C’est en parcourant les internets ces dernières années que je me suis rendu compte du nombre astronomique de jeux Amstrad CPC qui m’étaient inconnus.
Combien de fois ai-je écrit : « Celui-là, je ne le connaissais pas » sous un post du groupe Facebook « 100 % Amstrad CPC », ou « Je n’y ai encore jamais joué » en réaction à une vidéo de la chaine Génération Micros…
Parmi eux, un bon nombre de titres emblématiques comme Crafton & Xunk, Head Over Heels ou encore Batman, pour n’en citer que quelques-uns… Comment avais-je pu passer à côté ?
Le cœur de ma période CPC s’est étalé entre 1987 et 1989, avant de s’éteindre doucement au début des années 90. Si j’ai bien en mémoire les jeux présents dans mes exemplaires d’AmMag et Amstrad Cent pour Cent que je lisais et relisais jusqu’au moindre encart, de très nombreux titres sortis à cette époque me sont resté hors d’atteinte.
L’explication se trouve dans le réseau, ou plutôt, dans l’absence de réseau. Point d’internet pour nous, bambins des années 80. Le réseau des réseaux, c’était la cour du collège, les copains, les copains de copains, les voisins… Certes, j’ai bien acheté quelques jeux français et anglo-saxons ( heureusement pour les créateurs, que je salue au passage ), mais dans les faits, à cette époque-là, on copiait et on échangeait à tout-va…
L’accès aux jeux dépendait donc entièrement de nos relations directes. Et c’était encore plus vrai dans ma campagne provençale des années 80. À cela s’ajoutait une limitation économique et matérielle, due à la rareté et aux prix excessifs des disquettes 3 pouces disponibles. Ainsi, je n’ai possédé qu’une seule boîte de Maxell, plusieurs Amsoft, et quelques no names bleues douteuses au cours de ma période Amstrad « historique ».

Telle était la situation pour la plupart d’entre nous à cette époque. Limités, nous devions choisir les jeux à copier en fonction de nos préférences, bien sûr, mais aussi de leur taille, afin de pouvoir en caser un maximum par disquette. Il faut imaginer ces multiples réseaux de copains, parfois interconnectés par une seule personne, où jeux et programmes se diffusaient de main en main. Fascinant, quand on y pense…
Se côtoyaient ainsi sur nos disquettes, des cracks locaux qu’on allait chercher à vélo dans le village d’à côté, et d’autres qui avaient probablement traversé la France, la Manche ou l’Europe pour se retrouver, on ne sait comment, entre nos mains…

Aujourd’hui, j’ai une pensée émue pour tous ces crackers et déplombeurs aux profils multiples : ces gamins seuls dans leurs chambres de villages isolés, ces groupes de pirates londoniens, allemands ou scandinaves…
S’ils étaient, à juste titre, la hantise des programmeurs et des éditeurs, ils ont largement contribué au développement de la micro-informatique dans les foyers et au succès du CPC, permettant à toute une génération d’ados au pouvoir d’achat proche de zéro dont je faisais partie, d’accéder à une multitude de jeux et de programmes, faisant ainsi vivre nos machines et naître des vocations…
L’envers d’une même pièce, en définitive.

Toutes ces réflexions m’ont récemment donné envie de répertorier les signatures pirates des jeux stockés sur mes disquettes d’époque, qui, incroyablement, fonctionnent toujours, 37 ans plus tard.
Je citerai en premier Crazy Cars II / Arkanoid 2 / Trantor / Cybernoid / Venom Strikes Back / Cracked by Oeil de Lynx, un copain du collège qui, du haut de ses 14 ans, déplombait en assembleur. Quelle classe à l’époque d’avoir une telle pointure dans son groupe de potes !
Un salut amical à celui que j’ai perdu de vue il y a 30 ans…

D’autres cracks en ma possession portent la signature de parfaits inconnus qui pourtant oeuvraient dans la région, à quelques kilomètres de chez moi :
Asphalt / Déplombé par NCS Soft Biver 1987
Cybenoid 2 / Cracked by Le poivron rouge à Marseille le 8 juin 1987
Hercule Locksmith Version 5.0 / Cracked by the best of Marseille
Enfin, il y a ceux d’origine inconnu et mystérieuse, qui attisent aujourd’hui mon imagination :
Boulder Dash / Cracked by Promethee from K P G
SkateBall / Cracked by BDR
Marche à l’ombre / Crazy Cars / Deprotected and compiled by Best and Chris. Please don’t sell it. Thanks !
Barbarian 2 / Cracked by BEEN USE II ET MAL’1 DU MLB GANG d’IJE 1989
Silk Worm / Cracked by The New Gangsters / Cafes Crackers / 1989 – since 87 / Dany Patty / Paps Saissy
Enduro Racer / Cracked by the Deutch
Turbo Girl / Cracked by Uckaroo Banzai
Wec Le Mans / Cracked by Exocet
Discology 5.1 / Deplombé par Looker 15.04.88
À cette liste succincte s’ajoutent de nombreux cracks anonymes, et quelques originaux dans leurs boites : Manhantan95, Platoon, Operation Wolf, Cauldron, Green Beret, Beach Head, Night Gunner, They Sold a million…
Ainsi, en tout et pour tout, mon CPC 464 n’aura connu qu’une soixantaine de jeux sur les centaines de titres disponibles à l’époque. Vingt disquettes auront fait mon bonheur. Ce qui n’est pas si mal en fin de compte.
En rangeant ces précieuses archives dans le placard qui les protège depuis tant d’années, je pense à mes cartons de disquettes Amiga qui sommeillent tout près. Une autre époque de ma vie, un autre format. Bien plus nombreuses, elles ont tant à révéler. Un jour, il me faudra aussi les explorer à leur tour…
Starsk 13/06/2025